Une analyse du livre de Primo Levi "si c'est un homme" doit paraître en janvier dans la revue en ligne La croisée des routes : www.croiseedesroutes.com/
On peut consulter les autres analyses déjà parus dans la rubrique chronique/ bibliothèque voyageuse de Georges Bogey.
On peut lire également dans cette revue, (ainsi que d'autres articles), l'article ci-dessous écrit suite aux événements dramatique de janvier 2015.
Les coupables et les responsables
La main de Dieu
Le 22 juin 1986, le footballeur
Diego Maradona marque un but avec la main contre l’équipe d’Angleterre au vu et
au su du monde entier sauf de l’arbitre du match. Maradona exalté, clame que c’est
« la main de Dieu » qui a poussé le ballon au fond des filets. Le but est
validé et Maradona n’a jamais été condamné pour cette exaction.
La « main de Dieu »
autrement plus lourde a fait près de trois mille morts le 11 septembre 2001 aux
USA et dix sept le 7 janvier 2015 en France et ce ne sont là que deux exemples
pris dans la déjà longue histoire des crimes et attentats dont la « main
de Dieu » s’est rendue coupable.
Les coupables et les responsables
Ceux qui ne croient pas en Dieu,
dont je suis, savent que c’est bien la main de Maradona qui a poussé le ballon
et que Maradona est à la fois coupable et responsable de cette faute.
L’explication qu’il donne place la responsabilité de son acte ailleurs…dans un
ailleurs divin qui l’exempte de toute responsabilité morale et qui n’est autre
que le terreau fertile de toutes les guerres saintes.
En 1990 une coalition militaire
emmenée par les USA fait la guerre en Irak. Sous couvert d’une croisade pour la
Liberté et pour le Bien, cette opération militaire a exclusivement des
objectifs économiques et politiques. Depuis, se traitant réciproquement de
suppôts de Satan, de forces du mal, d’ennemis de Dieu, l’Occident et l’Orient
se font la guerre. Démons pour les uns, anges salvateurs pour les autres,
lâches pour les uns, héros pour les autres, terroristes pour les uns,
résistants pour les autres, les « serviteurs de Dieu » sèment la
terreur partout dans le monde. Ces criminels sont réellement coupables et
responsables de leurs crimes mais la responsabilité est triple. Elle se trouve
chez eux bien entendu, mais aussi chez les apprentis sorciers qui ont ouvert
les portes de l’enfer et chez les gourous de tous bords qui disent que cet
enfer c’est le paradis.
L’instrumentalisation de la religion.
Le pouvoir politique sait tout le
profit qu’il peut tirer du pouvoir religieux car, lorsque Dieu, par la voix de
la religion et de ses gourous, demande à l’homme de prier, de frapper, de tuer,
l’homme prie, frappe et tue. Le pouvoir politique va cautionner et exploiter ce
pouvoir, l’instrumentaliser et transformer des croyants sans discernement en
tueurs éminemment dangereux. Le croyant conditionné et fanatisé devient une
véritable machine de guerre, une sorte de kamikaze de Dieu. Le fanatisme
criminel est l’enfant monstrueux de l’obscurantisme religieux et du cynisme
politique.
Janvier 2015
Des fanatiques s’en sont pris le 7
janvier 2015 à deux cibles : la liberté d’expression et les juifs. En
tuant les héros de la liberté ils ont fait descendre dans la rue tous leurs
enfants. En tuant les juifs ils ont réveillé l’esprit de solidarité et d’unité
qui anime la France depuis la shoah.
Ce que l’on doit répondre aux voix discordantes
Couvertes par l’immense clameur
libertaire et unitaire qui a submergé la France et presque le monde entier
pendant quelques jours, on a entendu et on entend des voix effrayantes parce
qu’effrayées : « Charlie Hebdo est un journal grossier et sacrilège :
il récolte ce qu’il sème. » « Bien fait pour lui ! »
« L’Occident et Israël, sont des bourreaux : il est légitime que la
victime se retourne contre son tortionnaire, dès que l’occasion se présente. »
Pour défendre Charlie hebdo, la
réponse à donner est simple. La liberté est un acquis de notre civilisation.
Qui attaque la liberté attaque la civilisation. Pour défendre la liberté et la
civilisation, le peuple tout entier se lève. Un proverbe cambodgien dit que
lorsque les éléphants se battent beaucoup de fourmis sont écrasés. Mettre un
terme à la fureur des éléphants semble une mission impossible. Pourtant, chacun
de nous a la possibilité de se lever. Si seul nous ne pouvons rien (ou du moins
pas grand chose) tous, nous pouvons tout. Le 11 janvier a montré qu’une foule
de fourmis peut devenir un peuple humain.
Moins simple d’argumenter pour
l’intrusion de l’Occident au Moyen-Orient et pour le conflit
israélo-palestinien. Ce que fait subir Israël à la Palestine n’est pas
admissible et les interminables affrontements au Proche et Moyen Orient sont
insupportables. Cette violence qui s’exporte bien loin de l’épicentre des
conflits cessera le jour où ces régions seront pacifiées et lorsque la
Palestine aura enfin un statut d’État souverain. La diplomatie doit renvoyer
chaque guerrier dans son foyer.
Que reste-t-il à faire ?
Tout ou presque tout. Ce 11 janvier
devrait être le commencement de ce presque tout.
La diplomatie
La politique expansionniste de
l’Occident au Moyen-Orient (sous couvert, je le répète, de la défense des
libertés) a créé des mouvements d’opposition d’une violence extrême, a exacerbé
le fanatisme religieux et le tout a engendré un terrorisme dévastateur. La
seule issue est diplomatique. Faire taire les armes pour parler, se parler
L’Éducation Nationale
Pour que la liberté, l’égalité, la
fraternité soient admises, comprises et actées, il faut que la lumière prenne
le pas sur l’obscurantisme. L’éducation est la solution. « Vous avez eu à choisir entre le déshonneur et la guerre ;
vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre », nous dit
Churchill. Ce propos martial est ici une métaphore : la non-violence de
l’éducation - donc des lumières - doit déclarer la guerre à l’ignorance qui est
une violence faite à l’esprit. Cette éducation passe par trois vecteurs :
l’école laïque, l’éducation populaire, la famille. Si l’un de ces vecteurs a
des failles c’est par ces failles que se ruent les extrémistes armés de
kalachnikov. Sans faille dans l’éducation : pas de kalachnikov, seuls les
crayons passent ! Si cette énorme machine qu’est l’Éducation Nationale ne
sait pas aider les enseignants à être des éducateurs, elle les réduira à une
fonction technique et alors, plus aucun d’entre eux, ne pourra endiguer la
vague de l’obscurantisme.
L’Éducation Populaire
Les parents démunis autant sur le
plan moral que matériel, ne peuvent pas répondre seuls aux attentes de leurs
enfants qu’ils abandonnent bien malgré eux aux fous de Dieu ou de la
drogue (ce qui revient à peu près au même.) Les parents doivent être soutenus
par des structures de proximité ( Foyers d’Éducation Populaire, notamment) lesquelles
présentes dans chaque quartier, dans chaque village, auraient pour mission de
contrer les marchands de drogue et les gourous qui endoctrinent les futurs
poseurs de bombes. L’État et les collectivités territoriales devraient
confirmer les associations d’Éducation Populaire dans leur statut d’agents de salut public en leur
donnant les moyens nécessaires à la réalisation de leur mission. Nos dirigeants
doivent comprendre une fois pour toutes que la prévention prime la répression
et que le coût des éducateurs est moindre que le coût des coups de matraques
L’égalité et la fraternité
Si la société ne se fait pas plus
équitable et égalitaire, si elle continue de cautionner injustices et dénis de
justice, si elle laisse impunis les mains de Maradona et autres tricheurs,
toutes les frustrations, associées à la perte du sens moral, feront naître
encore et encore des vocations de terroristes fous. Une société où chacun est
reconnu, où chacun est l’égal de l’autre, où les déficiences morales et les
déficiences légales sont inlassablement combattues, ouvre les belles
perspectives de la fraternité.
La laïcité
Le philosophe Alain disait en
substance que le pessimisme est un état d’esprit, et l’optimisme un désir
d’action. La formule de Gramsci est la suivante : « Pessimisme
de l’intelligence, optimisme de la volonté. » L’optimiste et le pessimiste
pensent tous deux que l’avenir est sombre mais l’optimiste s’acharne à croire
aux vertus du chemin et veut « des lendemains qui chantent. »
Nous ne pouvons pas oublier les crimes
mais il faut essayer de pardonner ou du moins tenter de ne pas nous laisser
embarquer dans la spirale infernale de la vengeance et de la haine.
Nous devons lutter contre les
cloisonnements et les repliements, contre les sectarismes et les communautarismes.
Nous devons militer pour le peuple, pour l’unité, pour la communauté une
communauté où toutes les opinions, toutes les religions dont l’athéisme peuvent
vivre ensemble en bonne intelligence et en paix. Cette communauté où toutes les
rencontres et les confrontations sont pacifiées porte le beau nom de laïcité.
Georges
Bogey, le 14 janvier 2005
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